Voici le deuxième épisode de mon roman feuilleton CUPIDITÉ.

J’espère qu’il vous plaira et j’attends vos commentaires :).

Résumé de l’épisode précédent :
Suzie ramène sa mère chez elle après un long séjour à l’hôpital, celle-ci est paralysée et ne peut plus parler.
Suzie dans un monologue étourdissant lui assène tour à tour de son amour et de ses reproches.

LA FILLE

Jean-Pierre vient me rejoindre ici samedi.

Je l’abandonne un peu pour toi, il est normal qu’il vienne me voir de temps en temps.

Tu vois tu te trompais, l’ingratitude de mon visage ne m’a jamais empêché d’avoir des amants, certes ils ne m’emmènent pas au restaurant et ne restent pas très longtemps avec moi, mais ça me va.

Je n’ai pas envie d’une relation durable.

Ce que j’ai comme atout, vois-tu ma petite maman, c’est mon cul, et oui cela te fait frémir mais j’ai un beau cul et finalement les hommes, cet attrait les intéresse nettement plus qu’une belle figure.

Alors finalement, je ne m’en tire pas si mal.

Donc ce week-end Jean-Pierre me rejoint.

Parce que j’ai des besoins moi aussi, n’est-ce pas maman !

Ne fais pas cette tête, toi aussi en d’autres temps tu t’es bien éclatée, si tu faisais passer ton mari avant moi c’est bien que tu t’amusais avec lui, ne fais pas ta sainte Nitouche.

Mais ne t’inquiète pas, nous irons chez moi à Bayonne, nous ne te dérangerons pas. Je me suis organisée, Clémentine viendra te garder.
Il faut avouer que ce n’est pas très agréable pour un homme comme Jean-Pierre de passer le week-end avec une dame dans ton état, tu en conviens aisément, n’est-ce pas ?
Ce serait un peu un ” tue l’amour “, comme on dit. Tu veux que ta petite fille soit satisfaite n’est-ce pas ma petite maman ?

Mais oui bien sûr.

Je te plains beaucoup tu sais. Être grabataire à soixante-neuf ans, ce n’est vraiment pas de chance, normalement on est encore en pleine forme à cet âge.

Mais toi non.

Note bien que tu as de la chance, tu aurais pu y rester, heureusement j’ai appelé les pompiers à temps.

Ta petite fille chérie t’a sauvée ma petite maman.

Tu m’as donné la vie et voilà que je te l’ai rendue.

N’est-ce pas merveilleux ? Je trouve ça très beau, j’en ai les larmes aux yeux.

Bien je bavarde mais il n’y a plus rien dans le réfrigérateur, Clémentine est vraiment d’une nullité effarante, si je n’étais pas là, elle te laisserait mourir de faim. Ce n’est pas faute de lui donner de l’argent pour faire les courses, elle en réclame sans arrêt.

Bon j’y vais, ne t’inquiète surtout pas, je suis très bientôt de retour.
Je vais te faire une bonne soupe aux poireaux pour diner, je sais que tu aimes ça. Je vais en faire une marmite, comme ça il y en aura pour une bonne semaine.

Ce qui est fait, est fait ! C’est ce que tu m’as appris.

C’est bien la seule chose d’ailleurs, parce que je ne peux pas dire que tu te sois vraiment intéressée à moi. Tu m’as laissée aux prises avec mon père, tu n’as rien fait pour me défendre, alors forcément je suis devenue moins facile à manipuler, n’est-ce pas maman ?

Moins soumise.

Moins disciplinée.

Mais tu vois ma petite maman, ce qui est terrible c’est que moi j’étais prête à aimer.

Lorsque j’étais petite, je n’avais pas conscience de ma laideur.

Je me voyais avec les yeux de l’amour.

Après, ça a bien changé, les autres sont devenus le miroir de ma disgrâce.
Très tôt ils m’ont éveillée à la réalité de la vie, elle est moche maman la vie, elle est aussi vilaine que moi.

Peu à peu j’ai compris que mon physique serait mon fardeau.

Tu es tout de même un peu responsable, non ?

C’est bien toi qui m’as faite ?

Est-ce que tu en as jamais eu conscience ?

Est-ce que tu t’en es voulu de me faire vivre un tel calvaire ?
Oui je sais, j’exagère toujours tout, tu me l’as souvent répété.

Tu as un peu raison, mais je ne pense pas que tu aies jamais su ce que j’ai subi à l’école, les surnoms dont j’étais affublée.

Les enfants font preuve d’une imagination débordante lorsqu’il s’agit de faire mal, mais je ne t’apprends rien, c’est d’une telle banalité.

En l’occurrence, ils ont été d’une cruauté sans limites.

Particulièrement lorsque vous avez eu l’idée de m’envoyer en pension, après mon échec au Brevet.

Pension, prison.

Les filles m’en ont fait voir, maman, tu sais.

La pension de jeunes filles est un repère de vipères, ça aussi tout le monde le sait, mais cela ne vous a pas empêché de m’y envoyer, dans cet enfer sur terre.

J’ai eu droit à tout, le lit en portefeuille, les vêtements que l’on me prenait pour m’obliger à aller, la serviette autour de mon corps gracile, de la douche à la chambrée, cette serviette ridiculement petite qui me couvrait à peine. Les bonnes sœurs me tombaient dessus, parce qu’en plus, je ne suis pas chanceuse, il fallait toujours qu’il y en ait une qui traine dans les couloirs à ce moment-là.
Elles ne se privaient pas de me punir ces garces.

Je voyais les autres rire sous cape en me regardant partir dans le bureau de la principale.
Elles savaient que j’allais me prendre une retenue au minimum, que sans doute je ne pourrais pas rentrer chez moi le week-end, ça les faisait mourir de rire ces pestes.

Une fois ce fut pire, elles s’arrangèrent pour que je me retrouve nue dans le couloir.

Quelle honte maman, quelle humiliation.

J’ai été obligée de parcourir le long couloir qui menait à la chambre sous le regard mi riant, mi concupiscant de mes congénères. Les sœurs cette fois-là comprirent que j’avais été l’objet d’une farce, la nudité n’était pas leur truc, alors elles ont puni la chambrée, ce qui a eu pour effet de me faire détester encore plus.

Je vois à ton regard que tu découvres tout cela.

C’est vrai, je ne te l’ai jamais dit, je n’allais pas subir cette épreuve une deuxième fois en te la racontant.

Je ne l’ai jamais dit à personne, surtout pas à toi, car finalement, tu étais responsable de ma situation, c’est toi qui m’a condamnée.

Mais je te le redis, je t’ai pardonné.

À suivre … CS;)

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